Si tu ne publies pas, tu n’existes pas

Si tu ne publies pas, tu n’existes pas
06/12/2019 Élise Madé

J’ai attendu pratiquement une semaine après mon retour de voyage pour publier les premières photos de mon aventure. C’est une première pour moi.

Normalement, quand je vois un paysage exceptionnel, que je vis quelque chose d’extraordinaire, que je prends une belle photo, j’ai ce petit titillement à l’intérieur de mon cerveau qui me démange, qui me donne envie de le partager instantanément. Tout ça pour avoir un retour, pour me faire dire que c’est vrai que c’est un paysage exceptionnel, que c’est vrai que c’est extraordinaire ce que je vis. Pour faire comme tout le monde. Pour exister, d’une certaine façon.

Les fontaines du Bellagio, Las Vegas, juin 2019.

Et je sais bien que je ne suis pas suivie par beaucoup de gens (salut à mes 331 abonnés Instagram!). Ce n’est même pas mon but de l’être! Mais même si on n’est pas sur les réseaux sociaux dans un dessein professionnel ou ambitieux, il reste qu’aujourd’hui, la plupart des gens nourrissent ces réseaux à leur façon. Sur le plan individuel, on peut alors tous se poser ce genre de questions, large communauté ou pas.

Dans mon grand questionnement, je me suis donné le défi, pour mon voyage en solo de 3 semaines aux États-Unis, de ne pas me laisser titiller. D’être sur les réseaux sociaux (faut que je reste en contact avec mes amis et ma famille, quand même!), mais sans rien y publier (surtout pas des stories!).

Non seulement j’ai réussi, mais ça a été ultra facile, finalement.

À mon retour de voyage, une fois les deux pieds bien plantés en terre québécoise, j’ai fait ma première publication. Rapidement j’ai pu comprendre par les commentaires des gens que la plupart d’entre eux pensaient que j’étais en plein périple au moment de publier. L’instantanéité est sous-entendue.

Quand on y pense, c’est vrai que ce serait un peu weird quelqu’un qui publie une photo de son voyage genre 1 mois, 6 mois, 1 an après coup. Genre: « Hey, tout le monde, vous avez pas su ça, j’ai gravi le Kilimandjaro y’a 6 mois, c’était l’fun! ». Sur le web, chaque jour est une ÉTERNITÉ. On n’est pu en 1950, tsé!

Mais… pourquoi? Pourquoi absolument utiliser cette instantanéité simplement parce qu’elle est au bout de nos doigts? Parce que tout le monde le fait? Parce que c’est pertinent? Parce qu’on cherche à avoir un retour immédiat?

En tout cas, moi, ça m’a fait le plus grand bien de me «désinstantanéiser». Je ne vivais plus les plus beaux moments de mon voyage en pensant systématiquement à la légende que je pourrais mettre pour les accompagner (ce que j’ai trop souvent fait). Au lieu d’attendre après les likes, je profitais un peu plus du moment présent (quoique je passais quand même du temps passif sur Instagram. Je sais, c’est pas ben ben mieux).

Les fontaines du Bellagio, Las Vegas, juin 2019.

Je prenais des photos pour le plaisir de les prendre. Pour donner libre cours à cette passion qui m’a toujours habitée, tout simplement. J’éprouvais encore cette même satisfaction de revisiter mes photos après une journée bien remplie, ou de retravailler, retoucher mes préférées à tête reposée. Tout ça, sans les rendre publiques.

Certains pourraient dire que de poster les photos après coup, ça revient au même. C’est pas totalement faux. Mais pour moi, ça fait quand même la différence. Pendant mon aventure, j’avais ça de moins à m’occuper. Mais surtout, c’est une question de bruit. Pour moi, ça veut dire que oui, je ferai encore du bruit dans les interwebs, mais un bruit qui sonnera peut-être plus travaillé, choisi, aimé.

Ce bruit (que j’espère un peu mélodieux), je choisis de le faire quand même, car je crois que j’ai quelque chose de pertinent à dire. Ce quelque chose, je vous le partage en ce moment. Ces questions m’habitent depuis longtemps, et ces dernières lignes sont les réponses que j’y ai trouvées pour le moment.

Je ne pense pas avoir la science infuse, bien entendu… Je ne me pense pas meilleure que tout le monde, bien entendu. Alors je vous pose la question. Vous, comment vivez-vous avec l’instantanéité, le bruit, Instagram?

Couleur préférée: bleu.