Élise de l’autre côté d’Instagram

Élise de l’autre côté d’Instagram
07/01/2019 Élise Madé

C’est la première chose que je fais le matin. Et la dernière, avant de me coucher. Je scrolle. Si scroller était un sport, je tenterais ma chance aux Olympiques.

C’est con, c’est vide. Sans même y réfléchir, on scrolle à l’infini. Des images qui filent, défilent, se faufilent dans notre cerveau pour le fucker encore plus qu’il ne l’est déjà.

Même en voyage, je scrollais.

J’étais dans un autre pays, prête à découvrir des nouvelles villes (tellement riches!), des nouveaux paysages (à couper le souffle!), des nouvelles personnes (donc ben intéressantes!), et je scrollais.

Le pire, c’est que ça me déprimait. J’étais en voyage, mais je m’intéressais aux voyages des autres. Les leurs avaient l’air plus palpitants. Leurs photos, tellement ragoûtantes. J’enviais ces autres.

L’affaire avec Instagram, c’est qu’on tombe dans le panneau à chaque fois. On oublie, en défilant des photos par centaines, ce qui se cache derrière elles. On oublie qu’une photo, c’est l’empreinte d’une poussière de seconde d’un moment. Ce moment, il est bien plus qu’une photo. Il est l’histoire derrière, les 100 prises de vues tentées avant de trouver la bonne, l’émerveillement, l’ennuie, l’attente qui viennent avec.

Ce moment, il est la photo, la personne qui prend la photo, et tout ce qui se trouve de l’autre côté du cliché. Genre les autres touristes qui prennent exactement les mêmes photos que toi. Genre la pancarte qui te dit de pas trop t’approcher de la falaise, sinon tu vas mourir. Genre le fait de devoir demander à des inconnus de prendre une photo de toi parce que tu voyages seule.

On regarde les photos, et on se fait prendre. On oublie d’imaginer ce que la photo ne montre pas.

Ouais, j’pense que c’est ça, la solution. Au lieu de scroller, on pourrait se mettre à imaginer. Ou au moins, imaginer en scrollant. Ce serait déjà moins aliénant.

Couleur préférée: bleu.